Frankenstein à Bagdad – Ahmed Saadawi
(Fraankishtaayn
fii Baghdaad, 2013)
Piranha,
2016, 380 pages
Traduction
de France Meyer
Dans le
quartier de Batawin, à Bagdad, en ce printemps 2005, Hadi le chiffonnier récupère
les fragments de corps abandonnés sur les lieux des attentats qui secouent la
ville pour les coudre ensemble. Il raconte à qui veut bien lui payer un verre
qu’une âme errante a donné vie à cette mystérieuse créature qui écume désormais
les rues pour venger les innocents dont elle est constituée.
Ce qui
marque dans ce roman, c’est la vitalité qu’il dégage : il y est question
de morts violentes et de dangers quotidiens mais c’est la vie qui laisse une
trace dans l’esprit du lecteur. Les personnages sont inoubliables, l’ambiance
de Bagdad aussi ; on apprend à connaître l’âme de la ville, à sentir son
cœur battre.
C’est
un roman qui mêle le réalisme de la situation à Bagdad où les forces en
présence s’affrontent à coups d’attentats et d’échauffourées et la créature
fantastique du Sans-Nom, les croyances et autres superstitions d’une vieille
dame qui espère le retour de son fils de la guerre depuis vingt ans et celles
de tout un peuple qui n’a plus que la magie et les rêves pour espérer.
Le
Sans-Nom, allégorie de tout un peuple, est « fait de rognures humaines renvoyant à des ethnies, des tribus, des
races et des milieux sociaux différents,[et] représente ce mélange impossible qui n’a jamais été réalisé auparavant. »
Il effraie et subjugue à la fois.
Ahmed
Saadawi évoque aussi bien la vie des petites gens et de leurs mesquineries que
celles des puissants qui essaient de conserver leurs places au fil des
changements de régime, prêts à toutes les compromissions.
On se
laisse embarquer immédiatement dans ce conte des mille et unes vies du Sans-Nom.
Le lecteur curieux découvre un pays mal connu et ses habitants dont les
aspirations sont universelles.
Frankenstein à Bagdad est un roman
dépaysant à découvrir.
Ce livre m’a été transmis par l’éditeur.