Le dédale du passé – James Scudamore
(Wreaking, 2013)
Stock, 2016, 432 pages
Traduction de Carine Chichereau
Jasper Scriven habite Wreaking, un hôpital psychiatrique désaffecté sur la côte sud de l’Angleterre. Il erre dans les bâtiments vides dont il cherche à capturer les souvenirs et les consigne sur des feuilles volantes qu’il envoie chaque semaine à sa fille Cleo.
Cleo est monteuse pour une chaîne d’informations à Londres, l’actualité est sa matière, un présent envahissant qui la maintient à l’écart des traumas et des démons du passé.
À quelques pas pourtant, chaque soir, Roland, un géant au grand cœur et ami d’enfance, la surveille.
Ces héros solitaires sont liés par un terrible accident qui s’est joué il y a bien longtemps dans l’enceinte de Wreaking, un drame qui les hante et dont ils cherchent à se libérer.
Il se dégage de ce livre un charme perceptible dès le départ. L’atmosphère des premières scènes à Wreaking où les objets de l’ancien hôpital ont été détournés par Scriven pour ses plantations est presque riante ; ça ne durera pas. Les lieux sont habités par un vieil homme malade qui « ne peut pas partir. Il est trop accro au murmure du passé qui hante ces couloirs. » Très rapidement, le ton prend un tour glaçant.
Tout comme l’ancien hôpital, le roman est labyrinthique, mêlant des scènes du passé (dans n’importe quel ordre) et du présent de trois personnages : Scriven, Cleo et Roland.
Au-delà de ces personnages quantité d’autres sont présentés de façon assez détaillée : Oliver, l’ami d’enfance de Roland (« Il met tout le monde mal à l’aise, en général exprès. Sauf Roland. Roland voit en lui quelqu’un qui s’ennuie autant que lui, qui possède aussi peu d’argent, et qui essaie seulement de trouver une solution à ces deux problèmes. ») ; Mona, la mère de Roland et ancienne infirmière à Wreaking ; Carol, locataire de Mona et ancienne patiente de Wreaking ; Victor, frère d’Oliver.
Si l’on s’y retrouve toujours très bien, cette façon qu’a l’auteur d’enfouir les secrets sous des couches de scènes à la fois vagues et précises finit par être agaçant. Car tout cela donne lieu à des longueurs et à des répétitions. Or l’intérêt de certaines scènes n’apparaît ni sur le moment, ni une fois le livre fini. C’est trop touffu, les personnages restent difficiles à saisir au-delà de quelques clichés et l’attention se rompt souvent.
Si les révélations tardives sont parfaites en termes de timing et de « surprises » et s’il était pour cela nécessaire d’enfouir la vérité sous des fausses pistes, le doute reste permis quant à la construction du livre dont des pans entiers sont à mon sens inutiles.
Ce qui trouble, c’est l’atmosphère de Wreaking, par le passé et aujourd’hui. Le lieu appelle le drame mais l’auteur n’en rajoute pas inutilement et c’est subtilement rendu. L’imagination de Scudamore est intéressante, son univers prenant.
Les circonstances de l’accident qui conduisit tout le monde à quitter les lieux à l’exception de Scriven, connues seulement à la toute fin, sont incroyablement bien amenées. Les liens entre les personnages sont certainement l’aspect le plus réussi du roman et révèlent un certain talent de l'auteur pour les portraits psychologiques.
Au final, c’est un roman intéressant qui mérite que l’on se penche dessus mais qui peut facilement lasser. Or le dénouement est réussi et même plutôt fin et méritait l'effort de venir à bout de ce véritable dédale.
Ce livre m’a été transmis par l’éditeur via NetGalley.