L’illusion délirante d’être aimé – Florence Noiville
Stock, 2015, 184
pages
L’illusion délirante d’être aimé est une
maladie, chronique, dangereuse, et parfois mortelle, nommée syndrome
de Clérambault, car elle fut découverte par le célèbre psychiatre.
Laura Wilmote est journaliste à la
télévision ; c’est une femme dont la vie est une réussite mais qui reste
pourtant peu sûre d’elle.
« Une
évidence. Une évidence aussi tangible qu’une pierre au milieu d’un jardin
: C. est persuadée que je l’aime, que je l’ai toujours aimée. Comment
puis-je faire semblant d’avoir oublié ? »
C’est une collègue, une amie de jeunesse,
qui s’invite dans la vie de la narratrice de façon sournoise et insistante.
C’est l’histoire d’une maladie mentale qui veut qu’une personne est persuadée
qu’une autre l’aime, visiblement en toute bonne foi (celle du malade). Le
Clérambault est envahissant et peut aller très loin dans sa folie, ruinant
aussi bien sa vie que celle de l’objet de son obsession. Mais s’apitoyer ne
sert qu’à aggraver la situation pour ce qu’il faut bien appeler la
« proie ».
Comme dans toute manipulation, le reste
du monde ne se rend compte de rien. Tout d’abord la proie n’arrive pas à
accepter ce qui lui arrive, elle ne peut pas non plus communiquer, du moins
n’est-elle pas comprise. Au bout d’un moment, elle se sent dépossédée, prise en
otage et surtout très seule. Enfin, elle se demande si elle n’est pas folle
elle aussi.
Il y avait de quoi créer un contexte
angoissant, prenant, et le sujet me passionne. Malheureusement le roman m’a
semblé manquer de tension. On comprend bien la situation intenable que vit
Laura, on compatit, mais son stress ne nous atteint pas, on n’a pas la gorge
nouée ; on observe et on attend de voir comment elle va s’en sortir de
façon assez détachée. Quelques pics viennent néanmoins resserrer le sujet mais
cela reste très irrégulier et il est difficile d’être tout à fait pris par
l’intrigue jusqu’au dernier tiers effectivement réussi.
En revanche l’auteur montre bien comment
cet amour pervers déstabilise mais aussi combien la frontière entre l’amour et
la haine est poreuse. C. aime-t-elle Laura, comme elle le clame, ou bien ne lui
a-t-elle pas pardonnée sa réussite ? Florence Noiville fait alterner avec
l’intrigue principale les recherches menées par Laura ; celles-ci nous
permettent de mieux cerner jusqu’où peut aller une personne Clérambault. Le
roman de Ian McEwan, Délire d’amour,
est également cité dans les références, un roman qui m’était tombé des mains à
l’époque et que j’ai bien envie de retenter suite à cette lecture.
Il y a un autre point peu réussi, c’est
la construction. En préambule nous est donné à voir un aperçu de la fin. C’est
un procédé qui peut être particulièrement efficace si cela fait sens,
c’est-à-dire que cela excite la curiosité du lecteur mais que ce dernier n’a à
peu près aucune chance de savoir vraiment comment cela va se terminer. Or,
étant donné le contexte du roman, ce préambule en dit déjà beaucoup. En outre,
en plein milieu du récit, Florence Noiville nous livre la clef qui permet de
deviner instantanément la fin : j’avoue que j’étais abasourdie que
l’auteur ne se rende pas compte de l’évidence. Pourtant, encore une fois, le
dernier tiers est prenant, haletant, tendu. On a beau savoir comment cela va se
terminer, le détail de l’opération intéresse.
C’est un roman qui aurait pu être bien
meilleur si son écriture avait été plus resserrée et nerveuse ; c’est fort
dommage car il était prometteur.
Ce livre m’a été transmis par l’éditeur via NetGalley.