La cause des animaux – Florence Burgat
Buchet-Chastel,
2015, 112 pages
Sous-titre :
Pour un destin commun
Nous partageons l’ordinaire de nos vies avec
les animaux. Par choix, des chiens et des chats habitent nos maisons ; de
fait, insectes, pigeons et rats résident en ville. Il serait aisé d’oublier
ceux que nous mangeons, ceux dont nous revêtons la peau, ceux encore sur
lesquels ont été testés les produits d’entretien et les médicaments que nous
utilisons.
Nous préférons souvent ignorer qu’il a fallu
interrompre une vie pour pouvoir bénéficier des produits finis que nous en
tirons. D’ailleurs, la mise mort d’animaux est parfois insoupçonnable et
contre-intuitive - comment deviner la présence de gélatine de porc dans un
sorbet ? - ou reste imperceptible car elle n’est qu’une étape dans un
processus de fabrication, comme c’est le cas pour toutes les substances testées
sur les animaux.
Comment
traitons-nous les animaux ? Quels mécanismes sont à l’œuvre dans nos
rapports avec les autres animaux ?
Il s’agit d’un essai synthétique (c’est le principe
de la collection Dans le vif) qui a
l’avantage de présenter une problématique de façon concise et claire, d’aller droit au
but, tout en explorant plus particulièrement certains points mais qui présente
l’inconvénient d’être un peu frustrant du fait de sa concision.
Cet essai est
donc une invitation faite au lecteur de chercher des compléments
d’informations ; il ouvre des pistes à celui qui ne s’est jamais vraiment
posé de questions ou qui croit savoir, grosso
modo, ce qu’il en est.
Ce texte est
à rapprocher de La libération animale
de Peter Singer car les deux ne s’occupent que de la consommation alimentaire
d’animaux et d’expérimentation. Même si Florence Burgat évoque fort bien le
sujet de la laine et du cuir notamment, cela reste anecdotique.
En outre, les
deux auteurs sont philosophes. La différence tient à l’approche. En matière d’analyse,
Burgat s’intéresse plutôt aux aspects
psychologiques comme la dualité des comportements en fonction des animaux
considérés (on cajole le chat mais on mange la vache). Or Singer a une approche
utilitariste : est-il justifié d’exploiter les animaux ?
Florence
Burgat souligne l’incohérence du comportement de la majorité des personnes, incohérence
due à un « parasitage » de la pensée.
« Nous voulons concilier l’inconciliable,
alors que, si nos dispositions psychologiques à l’égard des animaux étaient
claires, nous serions une écrasante majorité à cesser tout simplement de les
manger, ouvrant ainsi une brèche dans l’orthodoxie humaniste. »
Avant de
pouvoir juger de l’expérimentation
animale, l’auteur rappelle : « Une connaissance minimale de la nature des expériences est requise pour
la formation du jugement, en particulier lorsqu’il s’agit de réfléchir au prix
qu’il est demandé de payer à d’autres que soi, étrangers à cette prise de
position et privés de la possibilité de consentir ou de refuser. »
Car nous
estimons bien trop vite que c’est une nécessité, pire une fatalité. On oublie
aussi que les expériences ne se limitent pas à la recherche médicale ou aux
cosmétiques. De nombreux produits d’usage courant sont testés mais comment
savoir quels sont ceux qui l’ont été ? Les marques jouent sur l’absence
d’informations qui est toujours plus vendeur que la mention « testé sur
les animaux ».
« Il y aurait les cosmétiques d’un côté
et la recherche médicale de l’autre. Rien n’est plus faux […] [Le] caractère
indispensable et insubstituable [de la recherche médicale] ne fait pas
l’unanimité dans le monde médical lui-même. »
En effet, si
vous croyez que la recherche médicale ne se livre qu’à des expériences
nécessaires, renseignez-vous : vous pourriez avoir des surprises (l’essai
de Peter Singer est fort bien documenté).
On pourrait aussi
relever en particulier l’absence de
fiabilité de l’extrapolation à l’homme de données obtenues par le biais
d’expériences menées sur des animaux mais aussi que : « On sait fort bien produire les résultats qui
seront les plus favorables à une demande d’autorisation de mise sur le
marché … »
Cela devrait
à tout le moins faire réfléchir et ajoutons à cela les scandales de médicaments
retirés du marché car ayant démontré leurs effets dévastateurs sur les humains alors
qu’ils avaient été testés et validés sur les animaux.
Il y aussi ce
que pointe Gill Langley, une scientifique britannique : « Il est invraisemblable, précise encore Gill
Langley, avec d’autres, qu’un état induit chez l’animal puisse expliquer les
causes d’une maladie humaine. »
Florence
Burgat rappelle enfin l'aspect
économique de l’expérimentation animale.
On pourrait
faire un parallèle avec les industries alimentaires reposant sur l’exploitation
animale (viande et lait essentiellement) qui n’ont aucun intérêt à un
changement de modèle et dont les lobbys sont puissants. Quant aux animaux
élevés pour servir de cobayes, au matériel d’expérimentation, etc., Peter
Singer en rend compte de façon édifiante dans La libération animale.
Les
collusions entre les médecins et les laboratoires pharmaceutiques méritent que
chacun se pose la question de la façon dont nous sommes soignés et orientés.
Bien que
bref, le texte évoque de nombreux
aspects dans nos relations aux autres espèces animales. Aussi, s’il n’a pas
vocation à développer toutes ces pistes, cet essai étudie rapidement une bonne
partie des questions en jeu sur le sujet. Il mérite d’être lu pour se faire une
idée générale qui conduira à d’autres lectures (une bibliographie est fournie en
fin d’ouvrage).
« L’idée que la fin justifie les moyens est un
enfer apparemment pavé des meilleures intentions. Que l’on comprenne bien que
tout peut être défendable par ce biais argumentatif et que l’utilité peut tout
cautionner dès lors que l’on a décidé de s’en tenir au seul point de vue du
bénéficiaire. »