A Fork in the Road: A
Memoir – André
Brink
Vintage Books, 2009, 439
pages
(VF : Mes bifurcations)
André Brink a connu une vie riche,
parfois mouvementée, qui plus est dans un contexte particulier :
l’apartheid. Descendant d’une lignée d’Afrikaners, Brink était supposé vivre
avec une certaine vision du monde qui s’effritera peu à peu avant de
s’effondrer tout à fait lors de son séjour en France dans le cadre de ses
études, période au cours de laquelle eut lieu le massacre de Sharpeville. Suite
aux éléments déclencheurs d’une transformation, Brink n’aura de cesse de
comprendre les comportements des hommes les uns envers les autres.
Dans sa jeunesse, sa conscience du
bien et du mal fut d’autant plus façonnée sur le modèle de l’apartheid que son
père était magistrat. Or l’enfant fut témoin d’injustices qui lui parurent
incompréhensibles. S’il n’avait pas encore la maturité pour analyser cet
univers aberrant, ce furent les premiers germes de son questionnement.
Néanmoins, vivant entouré de gens pensant tous la même chose et ne songeant pas
à remettre en cause un système qui les mettait en haut de l’échelle, il faudra
à l’auteur une expatriation et donc une mise à distance pour prendre la mesure
des choses et voir son pays tel qu’il était.
Ce livre est passionnant tant d’un point de vue historique qu’humain. En effet, ces mémoires évoquent de nombreux sujets
et thèmes de réflexions. L’apartheid y est central, tout comme il le fut dans
la vie de Brink, mais l’auteur évoque aussi l’amour, celui qu’il porta à un
certain nombre de femmes ainsi que celui qu’il porte à son pays et qui fit
qu’il choisit d’y vivre en dépit d’un régime politique raciste. Tout comme
Nadine Gordimer qui l’encouragea sur la voie de la lutte contre l’apartheid,
Brink ne prit pas la fuite sans nécessité comme cela aurait été facile de le
faire (et tout comme Gordimer, il n’hésite pas à critiquer les gouvernements
post-apartheid). L’auteur y partage aussi ses amitiés et y rend hommage à
d’autres Sud-Africains ; il y exprime également son admiration pour Camus,
ses rencontres avec Mandela.
C’est ainsi qu’outre la narration de
son parcours, Brink ouvre des fenêtres sur un univers bien plus large ;
c’est une main qu’il tend vers le lecteur, une invitation à la discussion, à
feuilleter ensemble l'album de ses souvenirs.
En plus de son intérêt sur le fond, ce livre se lit comme un roman de formation.
L’écriture y est vivante et démontre la capacité de Brink à transmettre
ses expériences et réflexions avec facilité. Le ton se fait tour à tour léger,
sombre, nostalgique, sérieux mais la finesse du propos est toujours bien
présente et témoigne d’une grande maîtrise littéraire alors même que l’exercice
de l’autobiographie est toujours compliqué. Certes Brink n’échappe pas à
quelques facilités plus ou moins inhérentes au genre mais il est trop doué sur
un plan littéraire pour que cela gâche l’ensemble.
Ces mémoires sont en
définitive fascinants, non seulement
parce qu’ils reflètent la construction de l’auteur, sa loyauté à une terre,
mais aussi parce que ce dernier est capable de transporter le lecteur. Mon
exemplaire a doublé de volume tant j’ai corné de pages. C’est véritablement un
livre à découvrir.