Du temps de cerveau disponible – Emmanuelle Urien & Manu Causse

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Du temps de cerveau disponible – Emmanuelle Urien & Manu Causse
Les Éditions In8, collection Quelqu’un m’a dit…, 2014, 80 pages


Nous sommes au XXIIe siècle et les êtres humains en sont réduits à être des « cerveaux » et pas dans le sens noble du terme. Un Transem™ (transmetteur émotionnel) a été implanté dans le crâne de chacun afin de « gérer » ses émotions. C’est ainsi que chacun reçoit des messages infommerciaux, publicités ciblées en fonction de différents critères spécifiques à cette personne et visant à créer/orienter ses émotions ainsi qu’à manipuler sa pensée… ou ce qu’il en reste.


Ce qui me pèse généralement dans les livres de SF (outre le fait que je préfère les univers réels), ce sont les longues descriptions toutes plus tortueuses les unes que les autres visant à décrire l’univers imaginaire dans lequel évolue les personnages : rien de tout cela ici (le format ne le permet pas de toute façon).

C'est alors que nous suivons Beurberry, un employé quelconque qui ambitionne néanmoins d’accéder à la claste supérieure, que les divers éléments de l'univers nous sont présentés. Ils s’intègrent à l’histoire avec fluidité et cohérence et ne sont pas sans rappeler les dérives qui nous guettent. En effet, la vie de Beurburry relève à la fois d’un quotidien totalement imaginaire et d’un futur qui semble frapper à la porte. Plus nous avons recours à la technologie, plus nous nous faisons prendre dans ses filets, et garder une part de jardin secret aujourd’hui est devenu une gageure.
Dans le monde de Manu Causse et d’Emmanuelle Urien, l’idée de jardin secret, mais plus encore d’individualité, frise l’hérésie. Les multinationales savent tout de nous, voire plus que nous en savons nous-mêmes puisqu’elles ont pris possession de nos cerveaux, entièrement mis à leur disposition.


Cette novella a été inspirée par la célèbre déclaration de Patrick Le Lay en 2004. Je regrette que cette référence n’ait pas été placée avant le début de la novella afin que les personnes n’en ayant pas connaissance (francophones non Français, personnes trop jeunes à l’époque des faits, etc.) puissent mieux saisir les références de la (social) fiction. Peut-être est-ce le réflexe d’une personne peu habituée à lire des textes relatifs aux mondes imaginaires. En tout état de cause, j’ai eu le sentiment de bien mieux profiter de ma lecture parce que le titre à lui seul m’avait mis la puce à l’oreille que si je n’avais rien su de cette affaire qui fit, à juste titre, beaucoup de bruit en son temps.


Cette lecture fut vraiment agréable : elle oblige le lecteur à rester vigilant pour s’intéresser à chaque nuance sans pour autant l’assommer sous une avalanche de détails. Elle n’oublie pas non plus l’humour (je n’en attendais pas moins de ce duo), un humour caustique adapté au sujet. C’est une vraie réussite !

oOo

La collection Quelqu’un m’a dit… des Éditions In8 propose des nouvelles d’anticipation sociale, c’est-à-dire de la SF. Mais « Au-delà du noir pesant, totalitaire ou kafkaïen, ces nouvelles sont volontiers surréalistes, parfois poétiques. Toujours décalées. »

Promesse tenue avec cette novella.


Ce livre m'a été transmis par l'éditeur.