Plon, 1998, 313 pages
[épuisé]
(The House Gun, 1998)
Traduction de Claude
Wauthier et de Fabienne Teisseire
(en poche chez 10-18,
épuisé également*)
« Quelque chose
de terrible est arrivé. »
Afrique du Sud, pendant la phase
de transition entre la fin de l’Apartheid et un avenir à créer.
Un soir comme les autres, un
couple de blancs apprend que Duncan, leur fils, a été arrêté pour homicide. La
famille Lindgard est sans histoire ; c’est donc tout naturellement que
cette annonce plonge les parents dans la stupéfaction. Ce qui fait que ce livre
n’est pas banal comme on pourrait le penser, c’est le contexte géographique et
historique que l’auteur a choisi de surligner en optant pour un avocat noir chargé
de défendre Duncan.
Nadine Gordimer utilise de
nombreux thèmes pour construire ce roman d’une grande richesse mais deux points
ressortent en particulier et l’incipit pourrait bien être un double-rappel.
> Une exploration minutieuse et fine du cœur humain signe d’office la qualité du livre. Gordimer
s’attache aussi bien à l’intériorité de chacun qu’à leurs relations, relations
bouleversées par ce qui est arrivé, et qui est « terrible » parce que
profondément déstabilisant. Le meurtre dont Duncan est accusé va obliger chacun
à s’interroger sur soi, sur l’image qu’il a(vait) de l’autre et sur la
représentation qu’il se fait de la société dans laquelle il a vécu sous le
régime de l’apartheid et dans celle qu’il vit aujourd’hui.
> Une plongée dans l’Histoire récente d’un pays au passé « terrible »
nous montre combien l’auteur elle-même doit s’être interrogée à l’époque sur le
tournant qu’allait prendre la politique de son pays. Cet aspect est magistralement
mis en scène par le biais de la confrontation des personnages : des
blancs, qui s’estiment libéraux, se retrouvent dépendants d’un noir (« … être à ce point dépendant de lui a privé son
personnage des caractéristiques de sa pigmentation »).
Roman brillant, d’une grande subtilité, L’arme domestique nous fait vivre un tournant majeur dans
l’Histoire d’un pays particulier. Le brio de Gordimer se manifeste dans cette histoire
prenante qui ne se contente pas de « divertir » mais fait aussi réfléchir, y compris ceux qui n’ont jamais eu à
faire à l’apartheid. C’est peut-être ce qui rend ce livre si grand : en
dépit de son contexte précis, il touche à l’universalité.
* bien que le livre soit épuisé en français dans ses deux
éditions, sa qualité fait qu’il vaut la peine d’être pisté (pensez aux
bibliothèques !)