Room – Emma Donoghue
Picador (paperback), 2011, 336 pages
(même titre en VF - disponible au format poche)
« Today I’m five. »
Le livre débute le jour où Jack fête ses cinq ans. Il est très excité ; désormais il est grand. Il vit avec sa mère (Ma) dans une unique pièce close éclairée par une lucarne. Comme tous les enfants, il aime regarder la télévision et les personnages de dessins animés sont ses amis, même s’il sait que tout cela n’est pas véritablement réel comme le lui a expliqué Ma. Pour lui, le seul univers réel est constitué par lui-même, Ma, la Pièce et les objets la meublant.
L'intrigue est entièrement racontée par Jack et l’auteur a vraiment fait fort en mettant en scène un très jeune enfant à la fois extrêmement intelligent (dans tous les sens du terme) et complètement ignorant du monde.
Le rôle de sa mère est à la fois primordial et de second plan. Aussi ai-je souvent eu tendance à négliger Ma, alors même que c’est une personne formidable, essayant de gérer ses propres démons tout en offrant à Jack un environnement le plus stable et rassurant possible. Ses questionnements, sa volonté de faire au mieux pour son enfant m’ont énormément touchée.
Il est un peu difficile d’entrer dans l’histoire car le contexte est très particulier que ce soit en termes de repérages, de personnages et de relations entre ces personnages et leur environnement, cela avec le regard d’un enfant qui n’a jamais connu autre chose que cet univers. Mais, si l’on donne une chance à Jack, on finit par être irrémédiablement séduit.
Deux exemples :
> A partir de l’idée d’une pièce close, l’auteur développe des questionnements universels. En outre, la pièce close est, d’une certaine façon, une allégorie de nos vies. Comme le dira à un moment Ma, nombreux sont ceux qui, bien que libres au sens matériel du terme, vivent enfermés en eux-mêmes. La pièce close, c’est aussi l’enfermement que peut devenir la relation entre un parent et son enfant. Le livre valorise la maternité (non dans le sens où la Mère est élevée au rang de mythe mais simplement dans ce que cette expérience a vraisemblablement de formidable) mais n’a pas peur de souligner que l’exclusivité du lien enfant / parent peut s’avérer une prison si chacun ne bénéficie pas d’un peu d’espace.
> Une autre piste est le rapport que nous avons aux objets. Jack nomme chaque objet comme si chacun avait un nom lui appartenant en propre (par exemple, le tapis est appelé Tapis). Pour lui, Tapis est un objet unique. Il n’en existe pas d’autre au monde (puisque le monde, c’est la Pièce) et il n’imagine pas l’idée du choix, de la multiplicité des objets (et, en douce, l’auteur égratigne légèrement la société de consommation).
Emma Donoghue fait preuve d’une grande subtilité pour tracer ce cheminement original et inoubliable. Room est un livre qu'on lit la gorge nouée par l’émotion, par les émotions, avec le cœur plein d’espérance. C’est une vraie réussite.
« Then we go out the door. »