Une fratrie – Brigitte Reimann

 

Une fratrie – Brigitte Reimann

Une fratrie – Brigitte Reimann
(Die Geschwister, 1963-2023)
Éditions Métailié, 2025, 192 pages
Traduction de Françoise Toraille

 

Nous sommes en 1961, en RDA. Elisabeth, la narratrice, est artiste peintre et travaille pour l’État dans les usines pour amener les ouvriers à s’emparer de l’art. Konrad, son grand frère, s’est échappé en RFA, une fuite qu’Elisabeth condamne. Uli, son « petit » frère, envisage, lui aussi, de partir : Elisabeth ne peut l’admettre : non seulement c’est son préféré, mais en plus elle est fermement convaincue par l’idéologie de son gouvernement. Elle essaie donc de convaincre Uli de renoncer à son projet.

M’intéressant depuis longtemps aux différentes expériences du communisme, je ne pouvais passer à côté de ce livre. Or le personnage d’Elisabeth – visiblement un double de l’autrice en peintre – m’est sortie par les yeux. Elle est persuadée d’avoir raison, qu’il faut rendre à l’État l’investissement qu’il a placé dans la formation des individus ; elle est austère et sa personnalité imprègne tout le livre : c’est assez déprimant par moment. Par ailleurs, j’ai été assez gênée par la relation qu’elle entretient avec Uli.

Si la lecture de ce roman a été une épreuve, c’était finalement une expérience utile. En effet, je crois que lire consiste à se confronter à des vies et des opinions différentes des nôtres et, même s’il est toujours plus agréable de croiser des personnages aimables et des idées que l’on agréé, des livres comme Une fratrie sont l’occasion de grandir, d’accepter que d’autres aient des opinions dérangeantes car diamétralement opposées aux nôtres.

Pour autant, ce livre me semble très « germano-allemand », parce que l’approche et les thèmes sont spécifiques et inscrits dans un contexte politique précis. En tant que Française, qui plus est d’une autre époque, j’ai vraiment eu du mal à saisir des subtilités que la postface éclaire.



Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! – Patrick Radden Keefe

 

Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! – Patrick Radden Keefe

Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! – Patrick Radden Keefe
(Rogues : True Stories of Grifters, Killers, Rebels and Crooks, 2022)
Belfond, 2024, 464 pages
Traduction de Claire-Marie Clévy


Ce livre rassemble douze enquêtes du journaliste auquel on doit Ne dis rien et L’empire de la douleur. Dans la préface, l’auteur raconte comment il en est venu à concevoir des « long formats », son attrait pour ce type de textes, assez longs pour ne pas se limiter à un traitement superficiel mais suffisamment courts pour être lus d’une traite.

Si le thème retenu ne m’intéressait pas en soi, j’aime beaucoup trop le travail de Radden Keefe pour faire l’impasse sur un de ses livres. C’est que la forme de non fiction qu’il pratique fait probablement partie de mes préférées et que le journaliste est un conteur de qualité. Son regard sur l’humanité est intéressant. Il souligne ici « les choix que nous effectuons … et les histoires que nous racontons aux autres et à nous-mêmes à propos de ces choix. » C’est un aspect qui m’a bien plus passionnée que le côté « bande de voyous en tous genres ».

D’ailleurs, rares ont été les histoires qui m’ont accrochées sur le fond. Autant Radden Keefe sait très bien raconter, autant les personnages dont il parle sont généralement méprisables et pleins aux as, à des années-lumière des gens que j’estime intéressants.

Pour autant, c’est toujours un plaisir de s’immerger dans l’écriture de Radden Keefe et je sais déjà que je lirai son prochain ouvrage, quel qu’en soit le sujet. A découvrir sans nul doute !

 

Réparée – Sarah Bardin

 

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Réparée – Sarah Bardin
Éditions Stock, 2024, 228 pages

Une nuit, Sarah Bardin est victime d’un AVC. Elle est jeune, a une hygiène de vie correcte, ne s’était jamais sentie concernée par la possibilité d’avoir un AVC.  Son récit raconte son parcours médical, mais également sa vie de couple et de famille.

J’ai eu envie de lire ce livre parce que, comme l’écrit l’autrice, on n’entend pas beaucoup parler de cet accident qui fait peur (à raison) et j’avais envie d’en savoir plus, de comprendre aussi comment cela pouvait arriver à une personne qui ne présente pas, a priori, de facteur de vulnérabilité (à cet égard, j’ai été assez déçue par l’autrice qui laissait entendre que le sujet serait abordé – ce n’est pas le cas).

Le récit m’a permis de mieux cerner le parcours d’une victime d’AVC, même si chaque expérience a ses nuances. J’ai également apprécié de découvrir la façon dont Sarah Bardin avait abordé sa situation : ses doutes, ses peurs, son envie de tout tenter, de répondre à l’appel de la vie, le combat qui en découle.

En revanche, je crois pouvoir dire que je n’ai pas aimé tout le reste : sa mentalité de privilégiée (pour information – non tirée du livre – succomber à un AVC ou en subir des séquelles marquées est plus probable quand on est pauvre, y compris parce que l’on n’a pas accès aux mêmes services de soins), son côté incroyablement superficiel (qu’elle assume parfaitement mais qui est à l’opposé de mes valeurs), son approche du couple (qui aura failli avoir sa peau).

Finalement, je suis assez partagée sur cette lecture à la fois prenante (sur le fond) et pénible (du fait de l’autrice).