Mon amie de plume – Yiyun
Li
(The Book of Goose, 2022)
Belfond, 2025, 336 pages
Traduction de Clément Baude
Fabienne est morte. Cette
nouvelle, Agnès l’apprend en Amérique, bien loin de la campagne française où
toutes deux ont grandi et sont devenues inséparables.
Agnès et Fabienne étaient les
meilleures amies du monde, deux fillettes qui s’étaient créé une bulle pleine
d’imagination, d’histoires, de rêves, pour mieux échapper à la rudesse de la
vie dans la France d’après-guerre. Deux fillettes qui voulaient vivre
autrement, mieux ; deux fillettes qui avaient un plan.
Mon amie de plume est un
livre à la fois étonnant, étrange et déconcertant, d’une subtilité et d’une
force incroyable, à la fois doux et rugueux, tendre et brutal :
inoubliable.
On se laisse avoir parce que la
narratrice est transparente et l’écriture peu remarquable, mais les courants
souterrains sont puissants et cela se perçoit dès le début.
La dynamique du roman est assez
simple en apparence : il y a celle qui pense, et celle qui exécute, celle
dans l’ombre et celle dans la lumière.
« … l’une recherchait
tout ce dont l’autre pouvait faire l’expérience. »
Agnès incarne l’innocence, la
naïveté ; elle donne l’illusion d’être objective, tant tout semble lui
échapper. Fabienne est plus insaisissable, à la fois « tête
pensante » et campagnarde ignare ; elle envoie Agnès en
représentation et ne s’intéresse guère à ce qui lui arrive : pour elle,
l’essentiel n’est pas là.
« Fabienne n’avait pas les mots pour
décrire sa jubilation et son désespoir, et je n’avais pas les moyens de les
comprendre, … »
La fin donne des frissons par sa finesse et sa force. Si vous n’avez jamais lu Yiyun Li, ce roman peu commun est l’occasion de franchir le pas.