Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! – Patrick Radden Keefe

 

Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! – Patrick Radden Keefe

Voleurs ! Bandits ! Escrocs ! – Patrick Radden Keefe
(Rogues : True Stories of Grifters, Killers, Rebels and Crooks, 2022)
Belfond, 2024, 464 pages
Traduction de Claire-Marie Clévy


Ce livre rassemble douze enquêtes du journaliste auquel on doit Ne dis rien et L’empire de la douleur. Dans la préface, l’auteur raconte comment il en est venu à concevoir des « long formats », son attrait pour ce type de textes, assez longs pour ne pas se limiter à un traitement superficiel mais suffisamment courts pour être lus d’une traite.

Si le thème retenu ne m’intéressait pas en soi, j’aime beaucoup trop le travail de Radden Keefe pour faire l’impasse sur un de ses livres. C’est que la forme de non fiction qu’il pratique fait probablement partie de mes préférées et que le journaliste est un conteur de qualité. Son regard sur l’humanité est intéressant. Il souligne ici « les choix que nous effectuons … et les histoires que nous racontons aux autres et à nous-mêmes à propos de ces choix. » C’est un aspect qui m’a bien plus passionnée que le côté « bande de voyous en tous genres ».

D’ailleurs, rares ont été les histoires qui m’ont accrochées sur le fond. Autant Radden Keefe sait très bien raconter, autant les personnages dont il parle sont généralement méprisables et pleins aux as, à des années-lumière des gens que j’estime intéressants.

Pour autant, c’est toujours un plaisir de s’immerger dans l’écriture de Radden Keefe et je sais déjà que je lirai son prochain ouvrage, quel qu’en soit le sujet. A découvrir sans nul doute !

 

Réparée – Sarah Bardin

 

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Réparée – Sarah Bardin
Éditions Stock, 2024, 228 pages

Une nuit, Sarah Bardin est victime d’un AVC. Elle est jeune, a une hygiène de vie correcte, ne s’était jamais sentie concernée par la possibilité d’avoir un AVC.  Son récit raconte son parcours médical, mais également sa vie de couple et de famille.

J’ai eu envie de lire ce livre parce que, comme l’écrit l’autrice, on n’entend pas beaucoup parler de cet accident qui fait peur (à raison) et j’avais envie d’en savoir plus, de comprendre aussi comment cela pouvait arriver à une personne qui ne présente pas, a priori, de facteur de vulnérabilité (à cet égard, j’ai été assez déçue par l’autrice qui laissait entendre que le sujet serait abordé – ce n’est pas le cas).

Le récit m’a permis de mieux cerner le parcours d’une victime d’AVC, même si chaque expérience a ses nuances. J’ai également apprécié de découvrir la façon dont Sarah Bardin avait abordé sa situation : ses doutes, ses peurs, son envie de tout tenter, de répondre à l’appel de la vie, le combat qui en découle.

En revanche, je crois pouvoir dire que je n’ai pas aimé tout le reste : sa mentalité de privilégiée (pour information – non tirée du livre – succomber à un AVC ou en subir des séquelles marquées est plus probable quand on est pauvre, y compris parce que l’on n’a pas accès aux mêmes services de soins), son côté incroyablement superficiel (qu’elle assume parfaitement mais qui est à l’opposé de mes valeurs), son approche du couple (qui aura failli avoir sa peau).

Finalement, je suis assez partagée sur cette lecture à la fois prenante (sur le fond) et pénible (du fait de l’autrice).

 

La Tour – Doan Bui
Livre de Poche, 2023, 336 pages

C’est une tour des Olympiades, au cœur du Chinatown parisien. La famille Truong, qui a fui le Vietnam après la chute de Saigon, s’y est installée à la fin des années 1970. Dans cette Babel aux mille langues, voilà aussi Ileana, la pianiste roumaine désormais nounou ; Virgile, le sans-papiers sénégalais, lecteur de Proust, qui squatte le parking ; ou encore Clément, le Sarthois obsédé du « grand remplacement » et convaincu d’être la réincarnation du chien de son idole Michel Houellebecq. 

 

Livre passionnant que ce roman, qui m’a apporté bien plus que je n’étais venue chercher. Il y a d’une part les personnages qui, chacun à sa façon, témoigne d’une facette de la France d’aujourd’hui, à travers qui ils sont – voire qui ils voudraient être – et, indirectement, par la façon dont ils sont perçus. D’autre part, l’autrice enrichit l’histoire à proprement parler par quantité d’informations sur des éléments « annexes », la plupart du temps en notes de bas de page ; les faits historiques sont ceux qui m’ont le plus intéressée car ils donnent des perspectives, et au roman, et à notre quotidien. Pour la curieuse touche-à-tout que je suis, ces informations (très) diverses égrenées au fil du roman étaient particulièrement réjouissantes. Par ailleurs, lire ce livre alors que la France traverse une crise politique était particulièrement approprié.

Doan Bui est journaliste et les histoires de ses personnages témoignent de ses investigations, d’un travail sérieux et équilibré, entre les faits et l’aspect intime, entre une vie et un contexte plus large. D’une façon générale, j’ai particulièrement apprécié la mesure avec laquelle l’autrice narre ces parcours à la fois personnels et archétypaux.

Il ne faudrait pas croire pour autant que l’histoire est rébarbative ; au contraire, c’est plein d’ironie, de mordant, de vie. Une vraie réussite en somme !