A l'ouest du monde - Kenneth Steven
(West of the World, 2001)
Autrement, 2008, 128 pages
Traduction de Françoise Chardonnier
« Le vent se lève, un vent furieux de tempête. »
Roddy Gillies est né à
Saint-Kilda, un archipel insignifiant au large de l’Ecosse. La communauté de
Saint-Kilda constitue un univers presque complètement coupé du monde où la
nature ne vous fait pas de cadeaux. Malgré tout, depuis des siècles, les
Saint-Kildiens persévèrent, à la fois parce qu’ils sont attachés à leur île mais
aussi parce qu’ils ont un peu peur de ce qui existe au-delà de l’île, un
univers à la fois intriguant et effrayant. Mais un jour, ils doivent tous
partir vivre dans le mainland et cet
événement marquera à jamais la fin d’un monde.
Alors que Roddy vit désormais
dans une maison de retraite à New York, il revient sur sa vie, une vie
singulière marquée, pour ne pas dire hantée, par le souvenir de Saint-Kilda. « Comment prouver que quelque chose a
réellement existé, alors qu’il ne reste rien, que les gens sont morts et que
les murs de leurs maisons sont retournés à l’état de pierres dispersées sur un
coteau aride ? »
Le récit alterne des extraits des
souvenirs de Roddy qu’il consigne dans un cahier et sa vie à la maison de
retraite, essentiellement marquée par les tours de garde des infirmières. Ses
souvenirs sont, paradoxalement, à la fois son testament et sa raison de
vivre : « Je ne crois pas
qu’elle pourrait comprendre ce que j’essaie d’exprimer. Mes mots seraient pour
elle une langue étrangère. Le monde a changé si vite. Je pense qu’il est
incontrôlable, que personne ne sait quelle orientation il va prendre et
personne ne s’en soucie en réalité. Et c’est justement pourquoi mon île m’est
si précieuse, pourquoi j’ai un besoin désespéré de me cramponner à mon
ancre. »
Ce livre, bien que court, est une
lecture lente parce que chaque mot, chaque morceau de souvenir pèse lourd. Je
crois que sa principale caractéristique est sa pudeur. Roddy a beau avoir son
caractère, il n’en est pas moins un être habitué à être en retrait, à se
préoccuper du bien-être de tous. Jamais il ne se met en valeur, ni ne se plaint
à titre personnel. Il raconte, c’est tout.
Au-delà de cette histoire
particulière, Roddy Gillies nous rappelle combien le monde d’aujourd’hui est
essentiellement tourné vers la surface et ne veut rien savoir de ce qui se
cache dessous.
« Le bateau
approche de la rive, je sais exactement où il m’emmène. »