La source cachée - Hella S. Haasse
(De verborgen bron, 1950)
Actes Sud (existe en Babel), 1998, 144 pages
Traduction d'Anne-Marie De Both-Diez
« … La maison est cachée dans la lumière incertaine des bois, comme un coquillage au fond de l’océan. »
Lors de ma lecture d’un autre roman de l’autrice, Les initiés, j’ai été marquée par le personnage d’Eline. Comme je savais qu’Eline apparaissait pour la première fois dans La source cachée, je n’ai pu résister à l’idée de la retrouver. Le narrateur est cette fois unique. Il s’agit de Jurgen, le gendre d’Eline, femme qu’il n’a jamais connue puisqu’elle a disparu peu de temps après la naissance de sa fille, Rina.
Jurgen est en convalescence non loin de Breskel, lieu où grandit Eline. Rina l’a chargé d’en profiter pour débarrasser la maison afin de pouvoir vendre cette dernière. Mais Jurgen tombe sous le charme des lieux et plus particulièrement de la forêt qui entoure la demeure. Il lui semble qu’une présence invisible l’épie, que la verdure est une personne à part entière. Au fil des jours et suite à une rencontre avec un médecin, ancien camarade de jeux d’Eline, Jurgen s’enfonce de plus en plus dans sa quête. S’il touche du doigt certains aspects de ce que fut Eline, cette dernière finit toujours par lui échapper, se dérober. Chaque question conduit à une autre.
Le questionnement de Jurgen l’amène également à se pencher sur lui-même, le renvoie à sa propre intériorité. Ce séjour lui permettra de se découvrir.
C’est un livre fascinant, non seulement parce qu’il est magnifiquement bien écrit mais en plus parce qu’il nous plonge au cœur de l’âme humaine. Haasse nous trouble par ses descriptions d’une végétation vivante et mystérieuse comme le cœur humain. Elle mêle à son récit la mythologie, comparant Eline et Aréthuse dont je ne révélerai pas l’histoire pour ceux qui ne la connaissent pas, conférant ainsi une dimension encore plus étrange à ce récit.
La source cachée porte bien son nom et la citation d’exergue, « Man is a stream, whose source is hidden », que nous devons à Emerson, est magistralement illustrée par ce roman. A travers Jurgen, le lecteur s’enfonce dans une autre forêt, celle des questionnements. Jurgen émettra des hypothèses sur le mystère Eline mais aucune réponse véritable ne sera apportée dans ces lignes.
Eline est de ces êtres qui exaspèrent ou qui fascinent. Elle est plus qu’un personnage pour moi et j’ai le sentiment de la connaître depuis toujours.
« Car je suis l’un de ceux qui croient toujours entendre, sous le sol, le murmure d’une source cachée. »