Avril brisé – Ismaïl Kadaré

Avril brisé – Ismaïl Kadaré
Avril brisé – Ismaïl Kadaré
(Prilli i thyer, 1978)
 Livre de poche, 1983, 220 pages
Traduction de Jusuf Vrioni


Gjorg, jeune montagnard qui vient de venger la mort de son frère, bénéficie d’une trêve de trente jours avant d’être à son tour la prochaine proie. Tout cela, et bien d’autres choses, est régit par le Kanun, le code ancestral des montagnes albanaises.
Au même moment, un couple est en voyage de noces dans la région. Lui est un écrivain mondain qui a écrit sur cette région et ses coutumes dont la sanglante vendetta d’honneur. Elle est bien plus jeune et pose un regard naïf et effrayé sur tout ce qu’elle voit. On assiste à un véritable choc des "civilisations" alors même que tous les protagonistes sont Albanais.

Comme l’indique la quatrième, « l’action a beau se situer au début du XXe siècle, la vie sur les hauts plateaux de l’Albanie nous enfonce dans le Moyen Âge. » Ce ne sont pas seulement les coutumes qui donnent cette impression mais aussi la façon de vivre, la demeure du « seigneur » local. Le livre procure un dépaysement incroyable alors même que Kadaré s’est basé sur l’existant.

La lecture est très aisée et compréhensible mais les deux fils narratifs entremêlent au récit des protagonistes des reprises et explications du Kanun ce qui alourdit de temps à autre la progression. A ce titre, un chapitre entier m’a paru inutile. Kadaré recréé les mœurs et la culture de tout un fragment de société archi-localisé ; la géographie des lieux est également dépeinte précisément.
De même, cette vendetta est si sinistre qu’on peut être découragé par moment.
Néanmoins, le voyage vaut la peine d’être vécu. Si le destin tragique de Gjorg m’a semblé plus passionnant a priori que l’histoire du couple s’est pourtant bien de ce dernier que viendra l’élément de surprise.

C’est finalement un livre dense ; le lecteur ne peut relâcher son attention à aucun moment. C’est aussi un classique de la littérature européenne du XXe qui mérite une implication totale du lecteur.


A lire et à avoir dans sa bibliothèque.


> L’adaptation de Walter Salles est à la fois très respectueuse et totalement différente du roman de Kadaré. Il vaut mieux ne pas la voir en ayant le livre en tête car seul l’esprit, l’idée de base et des symboles (soit l’essentiel) sont repris. Ce sont, d’une certaine façon, deux œuvres distinctes, Walter Salles s’étant approprié le roman de Kadaré pour créer autre chose correspondant plus à son univers. Je la recommande chaudement.