Manuel d’écriture et de survie – Martin Page
Points, 2015, 216
pages
A travers une correspondance (fictive a priori) avec une aspirante écrivain, l’auteur dessine un
autoportrait, évoque la création et le paysage littéraire et, plus largement,
le monde dans lequel nous vivons.
Ce qui m’a
convaincue d’acheter ce livre, c’est la postface où j’ai retrouvé bon nombre de
mes convictions et approches comme « …
les livres que je lis sont de la matière génétique que j’incorpore. […] Je n’ai
jamais considéré les livres comme des objets prestigieux, d’étude ou de
commentaire. … »
Cet ouvrage
porte très bien son titre et je l’ai apprécié pour les deux principales
explorations annoncées : l’écriture et la survie quotidienne, aussi bien
de l’écrivain (et plus généralement de l’artiste) que de l’humain. Il est en
revanche compliqué à évoquer tant les thèmes survolés sont nombreux ;
c’est surtout le positionnement de l’auteur qui m’a séduite : les questions évoquées sont modernes,
concrètes, témoins d’une époque et peut-être d’une génération.
Le refus de
la langue de bois et de la perpétuation des clichés, sur la littérature et les
écrivains notamment, est rafraîchissant et appréciable (« Je ne dis pas qu’être artiste est
simple : je dis que les douleurs viennent de la société et non de l’art,
et qu’être fasciné par la souffrance c’est obéir. ») A terme, c’est la lucidité de la réflexion qui
convainc.
S’il est
difficile de parler de ce livre, c’est aussi parce que ce qui trouve un écho
chez le lecteur est, plus que dans d’autres ouvrages, lié à l’intime. Comme pour les volumes du Journal de Charles Juliet, exprimer précisément
ce qui me touche ici serait en dire bien trop sur moi.
Sur la forme, en revanche, je n’ai guère
été convaincue. Ce n’est pas la simplicité du style qui est problématique car
elle est adaptée à la nature de l’échange, moderne et sans-façon. Mais la forme
épistolaire ne sonne pas toujours juste ; on a le sentiment qu’elle ne s’imposait
pas. C’est ainsi que j’ai préféré lire par fragments et dans le désordre, prenant
ici et là des morceaux qui m’inspiraient et ne me préoccupant pas du reste. Néanmoins,
parce que le fond est riche et nourrissant, on oublie vite le moule qui le
contient.
C’est un
livre qu’il faut s’approprier en fonction de nos attentes et de ce que nous sommes.
Il a beaucoup à offrir et mérite qu’on s’y attarde. C’est un de ces ouvrages
dont on coche des passages que l’on relit sur le long terme parce qu’on y
trouve un encouragement, une proximité de pensée, un argument qui fait mouche.