Tabou –
Ferdinand Von Schirach
(Tabu, 2013)
Gallimard, 2065,
230 pages
Traduction
d’Olivier Le Lay
Ne lisez
pas la quatrième qui à mon sens biaise les attentes (qui plus est si on a lu
les autres livres de l’auteur). Ce livre n’est pas un roman policier (du moins
pas dans le sens traditionnel), ni un roman de tribunal.
C’est
l’histoire de Sebastian Von Eschburg, artiste photographe. Et ce qui compte
dans ce livre c’est Eschburg, sa personnalité, son parcours. C’est un roman sur
l’art, ses formes, son pouvoir.
Ce livre
est la preuve que Von Schirach a un talent fou. Non seulement il sait se
renouveler et donner à un sujet de l’ampleur mais il sait aussi inventer une
histoire dotée d’une finesse incroyable. Si on peut avoir le sentiment que la
première partie (l’enfance et le parcours de Von Eschburg) comporte quelques
longueurs, le dernier tiers nous fait comprendre que tout est essentiel. C’est
une mise en place progressive qui doit permettre de comprendre la mentalité de
Von Eschburg et sa façon de percevoir le monde. La seconde partie est à la fois
plus classique mais aussi un brin déconcertante. Le dernier tiers est
époustouflant et nous fait parcourir le livre à rebours, à la recherche des
indices aperçus, survolés, négligés.
« Je faisais fausse route. La beauté n’est pas
la vérité. »
Von
Eschburg porte son enfance comme un fardeau ; le récit de sa vie est celui
d’une quête. Il apprend très tôt à se méfier des apparences, ne se fait pas
d’illusions ; regarde les autres avec méfiance, sans
nourrir d’attentes. Il sait que la réalité telle qu’on l’admet communément est
une mascarade, sans lien avec la vérité.
Sous une
forme romanesque, Von Schirach nous interroge sur la différence entre vérité et
réalité, sur nos capacités d’analyse et notre résistance à l’illusion. C’est
d’une subtilité rare.
« Nous parvenons à pardonner à tout le monde.
A nos ennemis, aux traîtres, aux êtres qui nous trompent. Mais il nous est
impossible de nous absoudre nous-mêmes. Nous nous cassons les dents sur ce que
nous sommes. »
Comme
toujours avec Von Schirach le style est sobre et pourra même rebuter quelques
lecteurs. Passez outre, ça en vaut la peine.