Kosaburo, 1945 - Nicole Roland

Kosaburo, 1945 – Nicole Roland
Babel, 2013, 144 pages


« On sait que les âmes se déplacent le septième mois, en particulier les nuits de pleine lune. »


Kosaburo est un jeune homme aux ambitions artistiques et dont le cœur bat pour Mitsuko, la sœur de son ami Akira. Mais nous sommes en pleine guerre mondiale et le Japon a besoin de chair à canon sous la forme de kamikazes. Lorsque Kosaburo et Akira devinent que le gouvernement va faire appel à eux pour sauver la patrie, le premier voit l’opportunité de suivre le code d’honneur des samouraïs quand le second ne se sent pas l’âme de mourir. Or l’honneur de la famille est en jeu ; c’est ainsi que Mitsuko, travestie en homme, va prendre la place de son frère évanoui dans la nature.

Narré par Mitsuko, ce roman est délicat et clairvoyant. Dans une langue limpide, la jeune fille décrit les différentes étapes de l’entraînement, ses ressentis, ses interrogations aussi. Elle est fidèle à son engagement mais semble refuser tout fanatisme. Elle observe, s’avère d’une lucidité tranchante : elle est résignée à son destin. Mais ce qui la porte c’est son amour pour Kosaburo : tant qu’ils seront ensemble, elle pourra tout traverser, tout supporter, y compris la mort.

La mort est d’ailleurs constamment présente mais son évocation poétique, sans la rendre attrayante, fait que si le lecteur reste effrayé par ce suicide planifié, il n’en est pas atterré pour autant. J’entends par-là que les romans japonais traitant de la mort me consternent toujours parce que le comportement des gens est supposé être stoïque et donc porté par l’héroïsme quand, à mes yeux, il relève de la servilité.
Ce roman, peut-être parce qu'il a été écrit par une occidentale, ne donne pas cette impression. Les faits sont pourtant représentatifs de ce qui s’est réellement passé lors de la Seconde Guerre Mondiale mais la langue de Nicole Roland, ses personnages et tout particulièrement sa narratrice nous rappellent que ces kamikazes étaient des êtres humains qui ont été manipulés, fanatisés et utilisés au même titre que le matériel militaire.

C’est une lecture que je recommande vivement, y compris aux personnes qui ne sont pas attirées a priori par ce sujet. A noter que la « postface » de l’auteur est très émouvante.


« Je me perdrais dans le creux de sa vague, dans le divin mystère. »