M’as-tu vue – Sophie Calle


M’as-tu vue – Sophie Calle
Exposition, Paris, Centre Pompidou, 19/11/03-15/03/04
Ed. du Centre Pompidou / Xavier Barral, 2003, 443 pages


Ce catalogue, publié à l’occasion d’une exposition de Sophie Calle, présente l’œuvre et l’univers de l’artiste que ce soit à travers plusieurs préfaces, une « interview-biographie de Sophie Calle » par la commissaire de l’exposition et, surtout, des extraits de ses œuvres marquées par les thèmes suivants : filatures, enquêtes, disparitions / chambres d’hôtel, nuit blanche et autres histoires vraies / petits jeux et cérémonies / voyages / absence et manques.

Sophie Calle est une artiste du quotidien si je puis dire. Elle part de choses très triviales pour créer des œuvres inclassables dont la photo n’est qu’une partie. En effet, l’artiste se caractérise par deux traits principaux : l’utilisation de multi-supports avec toujours un aspect narratif non négligeable et un intérêt pour l’humain, comme je l’avais déjà souligné dans le Gotham Handbook, intérêt qui est souvent confondu avec une personnalité auto-centrée. Oui, Sophie Calle part souvent d’elle-même mais c’est souvent à titre thérapeutique (volonté de dépasser une peur, par exemple, de se lancer un défi) et elle intègre toujours l’autre, voire les autres, à sa démarche.
Elle reconnaît d’ailleurs aimer contrôler les choses et, en même temps, se faire assigner des contraintes, une règle du jeu, ce qui donne à ses œuvres un aspect « petite histoire, tranche de vie », l’aspect original en prime.

Son travail relève pour beaucoup (si ce n’est essentiellement) de l’expérimentation. Et, par l’expérimentation, elle se construit un parcours de vie. Certaines expériences comme « Le Rituel d’anniversaire » ou « Douleur exquise » prennent fin parce que l’artiste a réussi à mettre un point final à une situation personnelle particulière ou problématique. A ce titre, son œuvre est très marquée psychologiquement. Elle nous invite à entrer dans des démarches personnelles. Or un aspect universel se dégage du résultat, d’où mes propos sur son intérêt pour l’humain. Sophie Calle confronte son vécu avec celui des autres et, par là même, fait résonner ses œuvres en nous.

J’ai été particulièrement sensible à la partie « petits jeux et cérémonies » qui m’a notamment donné envie de poursuivre ma découverte de son expérimentation menée à partir du livre de Paul Auster, Léviathan(il existe un coffret mais, pour un premier contact, j’avais préféré n’acheter qu’un volume. Désormais, je veux la totale… et suivre un régime chromatique une semaine durant !). Au sujet du régime chromatique justement (régime suivi par un des personnages de Léviathan), on peut noter l’humour de l’artiste qui, pour le dimanche, a choisi d’inviter six personnes. Ces dernières, suite à un tirage au sort, se sont vues attribuées les menus des six jours précédents et Sophie Calle de noter : « … chacun s’acquitta consciencieusement, quoique sans enthousiasme, de sa tâche. J’ai personnellement préféré jeûner car c’est bien joli les romans, mais il n’est pas forcément délectable de les respecter à la lettre. »

Enfin, elle explique également son travail en évoquant l’importance du vécu. Elle ne peut créer à partir d’événements totalement déconnectés de sa personne. Un lien, même ténu, lui est nécessaire et c’est, encore une fois, ce qui fait que son œuvre est enracinée dans l’humain et l’échange.

Ce livre m’a séduite de bout en bout. Sophie Calle est véritablement une personne attachante et, à partir de cette présentation générale de son œuvre, je vais pouvoir désormais mieux l’appréhender et me régaler encore.