The Waves – Virginia
Woolf
(1931)
Mariner Books, 300 pages
L'infinie richesse de ce roman rend toute présentation
réductrice. En outre, comment partager tout l'art de Virginia Woolf avec des
mots qui n'atteindront jamais la perfection de ses phrases ?
Lire Les
Vagues, c'est vivre une expérience difficile à évoquer ; c'est rencontrer
un livre à part.
Commençons par le plus simple : la forme. Le roman est
découpé en neuf « scènes » représentant à chaque fois un moment de la
vie des six narrateurs. Entre ces scènes, Woolf a intercalé ce que j’appellerai
des « tableaux » qui rythment le déroulé de l’histoire. Leur présence
est essentielle car, à partir du cycle d’une journée (j’y reviendrai plus
tard), Woolf établit un faux parallèle avec le déroulé de la vie. Chaque
tableau vient donc introduire une scène dont le présent relègue dans le passé
le présent de la scène précédente. C’est ainsi que nos personnages avancent
dans la vie.
Le roman compte donc six narrateurs mais leurs voix sont
agencées de telles façon que le récit a un aspect inhabituel. En effet, chacun
s’exprime à la première personne et de façon successive. Quand une voix semble
répondre à une autre, ce n’est jamais de façon franche. On ne sait jamais
vraiment si le narrateur s’adresse à nous ou à lui-même. En outre, la
succession des voix n’est pas au service d’une intrigue ; elle ne fait
rien « avancer » mais créé des variations autour d’un thème. Nous
pourrions donc avoir le sentiment d’un dialogue de sourds, chacun s’exprimant
de façon muette (un flux de
conscience qui serait
multiplié par six), mais ce n’est pas le cas. Au contraire, la voix de chacun
enrichit, nourrit le thème.
C’est ainsi qu’une certaine unité ressort de ce chœur car
les préoccupations des uns et des autres, si elles sont souvent différentes,
s’expriment généralement par le biais de la comparaison. Chacun existe parce
qu’il n’est pas l’autre. En ce sens, j’ai moins aimé la dernière partie (un
brin déprimante d’ailleurs), car Bernard résume le parcours de chacun et
s’approprie, d’une certaine façon, le récit.
Pour en venir au fond, Woolf s’est attaquée à un sujet
quelque peu douloureux : le passage du temps et, par là-même, la finitude
de l’être humain. C’est en ce sens que je parlais plus haut d’un faux parallèle entre
la vie et les différents tableaux. En effet, ces derniers décrivent la course
du soleil sur une journée, ce qui correspond à un cycle, quand la vie porte en
elle la mort : le début ne rejoint pas la fin. En parallèle, le roulis des
vagues nous donne néanmoins le sens que la vie n’est pas une ligne droite.
The Waves est un
roman qui donne le sentiment que l'accession à la maturité est un passage
tortueux si ce n'est douloureux. On sent entre les pages que l'enfance restera
à jamais l'époque bénie et que s'il nous faut bien la quitter, il n'est
pas sûr que l'on gagne à mûrir, à devenir des adultes.