Napalm dans le cœur – Pol Guasch

 

Napalm dans le cœur – Pol Guasch
Napalm dans le cœur – Pol Guasch
(Napalm al cor, 2021)
La croisée, 2022, 135 pages
Traduction de Marc Audi

 

C'est une guerre mystérieuse, à la fois incompréhensible et classique : il y a ceux qui commandent et ceux qui subissent, une langue qui n’est plus autorisée, un quotidien qui ne fait plus sens ou si peu, des relations biaisées, toute tentative de préserver un peu d’intimité pourrait être perçue comme une transgression.

Le narrateur est confiné avec sa mère dans une zone abandonnée ; il voudrait rejoindre celui qu’il aime et fuir « ailleurs », quel que soit ce lieu. La force du livre tient pour beaucoup dans l’anonymat du territoire qui désigne, en conséquence, toutes ces terres meurtries par la guerre – on pense évidemment à l’Ukraine ; l’ex-Yougoslavie était aussi omniprésente dans mon esprit.

 

La langue est poétique, fiévreuse, sensuelle alors même que le narrateur n’a aucun charisme : on a du mal à l’imaginer s’en sortir. Mais il touche du doigt l’essentiel ; sa réflexion est résistance tant elle va à l’encontre de ce qui motive les guerres.

 

« Ces arbres nous recouvrent et nous font sentir qu’un tissu de racines très profondes nous soutient par-dessous, comme l’acier mélangé au ciment dans les fondations des maisons. Des ramifications que nous ne pouvons pas comprendre nous maintiennent dans un ordre naturel, à la fois corrompu et fragile. […] peut-être que les racines communes avec la nôtre rendaient la chose plus douloureuse encore, car qu’on le veuille ou pas cela voulait dire qu’il était impossible de ne pas nous aider les uns les autres, profondément et essentiellement. »

 

L’histoire est racontée comme un rêve : la violence et la douleur sont amorties, les quelques actions semblent irréelles, les réflexions utopistes, la fuite pleine d’un élan direct et confus à la fois. Cette confusion est séduisante, bien amenée, mêle espoirs et dangers et s’achève comme une révélation.

 

« Tout dépendrait de moi, et moi je dépendrais de toutes ces autres choses. »

 

J’ai beaucoup aimé ce texte à la fois innovant et ancré dans une histoire (malheureusement) bien connue. Déstabilisant, il s’ancre dans le cœur et la tête pour laisser un souvenir intense.