Big Brother - Lionel Shriver

Big Brother Lionel Shriver
Big Brother – Lionel Shriver
The Borough Press, 2014, 416 pages
(existe en VF)


Pandora a toujours admiré son frère aîné Edison. Désormais, alors qu’elle vit au fin fond de l’Iowa, Edison est joueur de jazz à New York. Mais quand Pandora vient le chercher à l’aéroport alors qu’elle ne l’a pas vu depuis quelques années, elle ne le reconnaît pas tant il a changé : Edison a pris une centaine de kilos. Quand elle essaie de comprendre comment il en est arrivé là, elle se heurte à un mur et les habitudes alimentaires d’Edison menacent de ruiner la vie de famille de Pandora. Néanmoins cette dernière a conservé intacte l’image de son frère adoré et elle veut l’aider à redevenir celui qu’il était quitte à devoir choisir entre son frère et son mari.


Ce roman qui avait du potentiel à bien des niveaux s’avère, en réalité, être une totale imposture. A lire des interviews, on se disait que l’auteur avait une nouvelle fois appuyé sur le bouton du politiquement incorrect ; l’impression était fausse.

> Les clichés sont tellement nombreux que l’on finit par renoncer à les recenser. Et, même si certains points ne sont pas des poncifs, fallait-il vraiment infliger au lecteur ces détails quand ils ne présentent pas d’intérêt particulier pour l’histoire ? A vouloir dénoncer les travers de la société américaine, Shriver enfonce des portes ouvertes. Elle qui voudrait faire réfléchir irrite et les diatribes de Pandora fatiguent.
Premier point noir : un manque de subtilité qui, ironiquement, est exactement ce que la narratrice dénonce chez ses concitoyens.

> Les personnages sont tous plus imbuvables les uns que les autres à l’exception de Cody, gamine timide mais fine. Or Pandora n’est pas loin d’être la plus insupportable : imbue d’elle-même, faussement modeste, arrogante (plus que son mari, ce qui n’est pas peu dire), hypocrite, … On finit par se demander si l’auteur n’a pas voulu trop en faire, elle qui sait pourtant si bien créer des personnages pas nécessairement sympathiques mais intéressants (cf Il faut qu’on parle de Kevin). Seconde limite du livre : non seulement la narratrice n’inspire pas la sympathie mais en prime, elle ne suscite pas l’intérêt.

> Globalement, on retrouve le style de Shriver, cet auteur au regard sans concession qu’il vaut mieux éviter si on aime les histoires gentillettes. Malheureusement cette volonté de tirer à vue sur tout ce qui l’agace, cette façon de soulever le moindre défaut et cet enjouement de façade supposé contrebalancer le reste ne convainc pas (troisième écueil). Le lecteur veut bien jouer le jeu un temps mais pas sur 400 pages, surtout quand l’histoire devient de plus en plus improbable.

> Le message se voudrait le suivant : le manque (comprendre : la faim aux sens propre et figuré) est un moteur contrairement à l’excès, à l’abondance. Si la dénonciation des dérives des sociétés occidentales, avec la société américaine en première place, est loin d’être une mauvaise idée en soi, estimer que les restrictions à outrance sont la voie de la rédemption est aussi excessif que l’objet du réquisitoire. On ne peut s’empêcher de se demander si Lionel Shriver ne s’est pas laissée aveugler par sa propre expérience. En effet, le livre est dédié à son frère aîné, décédé d’insuffisance respiratoire à la cinquantaine alors qu’il était obèse. Or l’auteur est, au contraire, une maniaque pour ne pas dire une fanatique ressemblant à Fletcher, le mari maigrichon qui vous sort par les yeux avec son alimentation spartiate et soi-disant saine, son obsession pour le vélo et sa rigidité générale.

> L’écriture, sans être sublime, est un cran au-dessus de ce que propose généralement la littérature américaine contemporaine (en version originale – les traductions ont tendance à améliorer le style). Etant donné la qualité déplorable de l’édition française de We Need To Talk About Kevin, lire en anglais était un pré-requis et, heureusement, cet aspect a tenu ses promesses même si cela ne suffira pas à laisser un bon souvenir.



C’est avec un sentiment de gâchis que l’on ressort de cette lecture et cela d’autant plus que l’on sait l’auteur capable de mieux. Autant le finale d’Il faut qu’on parle de Kevin était un bijou de réussite, autant celui de Big Brother est ni plus ni moins raté.