Les jours clairs – Zsuzsa Bánk

Les jours clairs - Zsuzsa Bank
Les jours clairs – Zsuzsa Bánk
(Die hellen Tage, 2011)
Piranha, 2015, 544 pages
Traduction d’Olivier Mannoni


« Dans une petite ville du Sud de l’Allemagne dans les années 1960, Seri (la narratrice), Aja et Karl, liés par une amitié profonde, profitent des jours clairs de l’enfance. Ils passent la plus grande partie de leur temps dans le jardin et la maison d’Évi, la mère d’Aja, situés au milieu des champs, tout près du pont aux coquelicots qui mène à la forêt et à son lac. » (extrait de la quatrième de couverture)
Nous les suivrons jusqu’à l’âge adulte, avec en arrière-plan leurs mères qui tentent de les protéger tout en luttant contre leurs propres démons.


Depuis Le nageur, paru il y a plus de dix ans en français, on espérait un autre roman de cette prometteuse auteur. Voilà qui est fait grâce à la jeune maison d’édition Piranha dont la ligne éditoriale pourrait être mon credo et dont l’esthétique soignée des livres ne peut que séduire les amateurs de beaux ouvrages (en l'espèce, la couverture est fort bien choisie aussi bien pour les personnages représentés que pour la vitalité qu'elle dégage et qui représente parfaitement le roman).
Ajoutons à cela que la traduction a été assurée à nouveau par Olivier Mannoni, mon traducteur de l’allemand préféré : tous les ingrédients étaient présents pour faire de cette lecture un succès. Et ce le fut car j’y ai trouvé mon second coup de cœur de l’année.


> Zsuzsa Bánk confirme qu'elle sait parler de l’enfance avec talent. Presque instantanément, le lecteur a l’impression de faire partie du livre, d’avoir connu ces personnages et ces lieux depuis toujours. Il y a une grâce dans la façon de raconter très simplement ce qui fait l’enfance, ses joies simples, son quotidien, ses rituels, ces liens que l’on tisse alors. Zsuzsa Bánk y apporte une touche personnelle, fraîche et originale, le tout avec une écriture limpide, comme les jours clairs de l’enfance.
> Les portraits d’adultes sont très réussis également avec leurs blessures et la façon qu’a chacun de tenir le passé à distance jour après jour.
D’une façon générale, les interactions entre personnages sont fort réussies et si l’on croit tant en cette histoire, c’est peut-être surtout parce qu’elle sonne juste.

> L’écriture très visuelle de l’auteur fait que l’on se représente aussi très bien l’environnement. On s’imagine sans peine une version cinématographique tant des images fortes se gravent sur la rétine du lecteur : le jardin d’Évi et ses tilleuls, le pont aux coquelicots, les champs de blé, la place aux platanes, le père de Karl sur son vélo, etc. Le style est sobre mais évocateur et, au-delà des images, ce sont tous nos sens qui sont en éveil.

> Si l’enfance est marquée par les jours clairs, les années d’études seront plus chaotiques. Il s’agit constamment de trouver un équilibre entre l’ombre et la lumière, rechercher des soupapes pour revenir toujours et encore au temps de l’innocence quand les secrets étaient préservés dans « les sentiers dissimulés de [l’] enfance. »
A sa façon, ce livre est un roman d’apprentissage même si l’appellation me semble étrange tant sa construction est fluide, même quand il s’agit de décrire des tournants, de confronter les personnages à des épreuves.

« Nous tombions à travers les jours clairs et nous oubliions le temps ».


> La narration peut sembler parfois faire du surplace ; pourtant cette fausse lenteur s’avère en définitive nécessaire pour donner un sens plus profond à l’histoire, pour que cette dernière soit au plus proche de la vie. Il aurait été dommage de sauter des étapes, d’aller au plus pressé, alors même que l’attente, l’absence d’événement fait partie de nos vies et de celles de tous les personnages, tout comme le temps des choix.


Les jours clairs est un roman qui se déguste, prend le lecteur dans ses filets, lui (ré)apprend la patience. Il faut du temps pour que se révèlent des mensonges mais aussi pour que cicatrisent les meurtrissures, pour que l’on comprenne, comme le dira Seri, que tout ne s’explique pas. Et Zsuzsa Bánk l’a bien saisi qui nous offre plus de 500 pages magnifiques traversées par des personnages et des paysages inoubliables.

C’est un livre qui vous habite, dont vous savez que l’empreinte restera en vous et dont vous porterez les personnages pendant longtemps.

« Je garde les jours clairs, je rends les sombres au destin. »


Site de l’auteur (en allemand, mais c'est aisé à comprendre - si vous avez étudié l'allemand s'entend)

Ce livre m’a été transmis par l’éditeur.