La race des orphelins –
Oscar Lalo
Incroyable découverte que ce
roman qui évoque un sujet méconnu et que j’ai eu envie de lire pour cette
phrase : « J’ai besoin, avant de mourir, de dire à mes enfants
d’où ils viennent, même s’ils viennent de nulle part. » Elle traduit
bien le côté dérangeant du roman.
Il s’agit du journal d’Hildegard Müller, soixante-seize ans, rédigé sous la dictée par un scribe, notre narratrice ne sachant quasiment pas lire ni écrire. Hildegard est née en 1943 dans un Lebensborn, autrement dit une maternité nazie. Ce projet mené par Himmler avait pour objectif de créer une race supérieure à partir de parents sélectionnés selon les critères nazis bien connus. Écrire ces simples phrases est à la fois irréel et répugnant. Et c’est bien ce qui ressort de ce roman glaçant : le pire de l’humanité prétendant à la pureté et, pour cela, traitant les êtres comme des objets. Qu’il s’agisse des parents, et en particulier des mères, ou des bébés (naître de parents choisis ne signifiaient pas que vous étiez validés d’office par les nazis et, en cas de pureté insuffisante, vous étiez évacué. Passer le test, ne vous ouvrez pas pour autant une vie délicieuse, les pouponnières étant plus des orphelinats que des pensions sélect).
La narratrice enquête sur un
passé inexistant ; c’est troublant et bien rendu, sans excès d’émotion
(bien au contraire). L’auteur insiste notamment sur le statut de ces
enfants (puis adultes) : à la fois victimes du nazisme dès leur conception et considérés
comme symbole de cette idéologie et donc rejetés. Aucune reconnaissance
officielle pour eux, aucun moyen légal à leur disposition, juste une vie à
construire… à partir de rien.
J’ai beaucoup aimé ce livre
sensible et subtil qui va jusqu'au bout de son projet. De quoi donner envie de
lire le premier roman de l’auteur. Une lecture que je recommande
vivement !
oOo
Mon père, ma mère, mes
tremblements de terre – Julien Dufresne-Lamy
Charlie, 15 ans, patiente avec sa
mère dans la salle d’attente. A la sortie du bloc, ils accueilleront Alice.
Pendant les heures qui s’étirent, Charlie se souvient des deux années écoulées,
entre le moment où son père a partagé ses aspirations et ce jour. Il partage la
transition de son père, ses états d’âme, les réactions de sa mère, de l'entourage, leur vie
tout simplement.
Si j’ai découvert Julien
Dufresne-Lamy tardivement, j’attendais ce roman avec une impatience folle ; j’ai été séduite par la subtilité de cette histoire.
« il faut accepter de ne pas
comprendre les choses mais comprendre qu’elles existent. »
Certes le rythme est un peu mou
et l’histoire parfois sans relief, tant l’auteur s’attache à présenter les
événements dans la banalité du quotidien d’une famille française lambda.
Pourtant, il se dégage de l’ensemble une émotion sourde qui nous habite peu à
peu. Charlie nous livre une narration pudique et franche : ses doutes, son
ras-le-bol, ses peurs, sa fierté aussi d’avoir un père qui assume son identité
véritable. S’en dégage le portrait d’une famille soudée dont les membres
s’aiment profondément, loin des déclarations bruyantes qui cachent si souvent
un vide. J’ai beaucoup aimé ce parti-pris de la discrétion qui n’empêche pas
pour autant de faire ressortir le courage nécessaire pour être soi, tout
simplement.
Jolis, jolis monstres, qui vient de paraître en
poche, sera à mon programme de septembre.