Avec joie et docilité – Johanna Sinisalo

Avec joie et docilité – Johanna Sinisalo
Avec joie et docilité – Johanna Sinisalo
 (Auringon ydin, 2013)
Actes  Sud, 2016, 366 pages
Traduction d’Anne Colin du Terrail


République eusistocratique de Finlande, 2013. Le pays aurait tiré des leçons de ses erreurs passées et vivrait désormais coupé du reste du monde. La Finlande se vante d’une situation sociale stable notamment grâce à la répartition de la population en trois espèces : les morlocks – les femmes jugées trop indépendantes, les éloïs – les femmes blondes, soumises, domestiquées et donc aptes à la reproduction, et les virilos – les hommes.
Vanna est née avec les traits d’une éloï mais le caractère d’une morlock, contrairement à sa sœur, Manna, pure éloï. Jare, un virilo, est dealer de piments, un produit interdit car jugé dangereux pour la paix sociale (comme l’alcool et les cigarettes).

Attention, roman addictif !


Cela fait des années que je tourne autour de cette autrice sans arriver à me décider du fait de ses univers décalés qui m’effrayaient. Mais les thèmes de ce roman étaient trop tentants pour que je passe à côté.
Si le démarrage m’a semblé un peu lent et compliqué, le temps d’intégrer l’univers de Johanna Sinisalo, il est aussi l’occasion de découvrir les subtilités de ce régime autoritaire pratiquant sexisme, eugénisme et manipulation.
L’autrice met parfaitement en parallèle des comportements rarement rapprochés (sauf dans la littérature spécifique) : le sexisme, le spécisme, la violence morale et physique, le racisme. Les femmes sont traitées comme des animaux, elles sont chosifiées. Les hommes en sont réduits à un rôle machiste dans lequel tous ne se reconnaissent pas. C’est un enfermement des esprits que pratique la Finlande au nom du bien-être (chacun à sa place et le bonheur sera maximisé). En réalité, l’Etat ne souhaite qu’une chose : des gens dociles, manipulables, peu regardants.

C'est un roman nourrissant sur un plan intellectuel qui n'oublie pas pour autant de satisfaire le plaisir pur de la fiction.
L’intrigue principale est doublée d’une enquête, la sœur de Vanna ayant disparu dans des circonstances troubles. Le lecteur est donc totalement happé par le mystère de cette disparition et, surtout, par le destin de Vanna qui doit constamment rester en contrôle si elle ne veut pas être démasquée.


J’ai dévoré ce roman en 48h, scotchée au canapé. Si la fin m’a semblé un peu trop délirante, l’ensemble est jubilatoire. Et j’ai d’ores et déjà repéré un autre roman de l’autrice.

Jetez-vous à l’eau : ça en vaut amplement la peine !