King Kong Théorie – Virginie Despentes

King Kong Théorie – Virginie Despentes
King Kong Théorie – Virginie Despentes
Livre de poche, 2007, 150 pages
 
 
« En racontant pour la première fois comment elle est devenue Virginie Despentes, l'auteur de Baise-moi conteste les discours bien-pensants sur le viol, la prostitution, la pornographie. Manifeste pour un nouveau féminisme. »
 
Cet essai féministe est soutenu par une langue brute, sans détours, sans chichis non plus. Mais, si l’on passe outre l’introduction un brin excessive, c’est aussi – et surtout – un texte avec du fond.
Il ne s’agit pas de provoquer pour le plaisir mais bien de démonter intelligemment notre société incroyablement conservatrice sur la question – notamment – de la féminité (et de la masculinité).
 
On se dit que ça va secouer et finalement c’est surtout très subtil. Evidemment, si vous êtes un homme, ça va vous faire bizarre de ne pas être traité comme d’habitude mais, si vous êtes une femme et que les règles du jeu vous hérissent le poil, cet argumentaire riche, nourri, subtil et sérieux devrait vous convaincre que Virginie Despentes est une autrice qui mérite d’être lue.
 
L’analyse est d’une grande justesse et si je craignais de ne pas me retrouver dans les expériences de l’autrice (viol, prostitution, porno, culture punk, etc.), cela n’empêche nullement de se rapprocher sur le fond, sur ce qui sous-tend lesdites expériences. Car tout revient à parler de la condition des femmes. Comme l’indique Despentes, pourquoi être douce et gentille dans ses propos quand les femmes sont traitées comme une sous-catégorie de l’espèce humaine ? D’ailleurs toutes les femmes n’ont pas envie de se plier à ce diktat de la créature douce et gentille, séduisante, intelligente-mais-pas-trop, bombe sexuelle, épouse comblée et mère-née.
 
« Les hommes dénoncent avec virulence injustices sociales ou raciales, mais se montrent indulgents et compréhensifs quand il s’agit de domination machiste. Ils sont nombreux à vouloir expliquer que le combat féministe est annexe, un sport de riches sans pertinence ni urgence. Il faut être crétin, ou salement malhonnête, pour trouver une oppression insupportable et juger l’autre pleine de poésie. »
 
Le raisonnement est impeccable et Despentes sait aussi être tendre avec les hommes, ceux qui sont dépassés par les diktats de la masculinité qui les obligerait à être forts, protecteurs, courageux et autres conneries du même acabit.
En outre, l’autrice dépasse le clivage femmes/hommes en rappelant que si les femmes sont mises en situation d’infériorité face aux hommes, ces derniers sont utilisés à leur tour par l’Etat. De même, la survalorisation de la maternité est symptomatique d’un Etat fascisant.
 
Virginie Despentes déroule un argumentaire solide ; elle est convaincante et son propos version rock n’roll (et plein d’humour) est loin de l’ennui de la thèse universitaire.
Au fond, il faut se détacher de l’univers marginal de l’autrice, ne pas s’effaroucher de son vocabulaire brut et aborder ce texte avec sincérité et honnêteté.
 
« Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes mais bien de tout foutre en l’air. »
 
Plutôt que d’offrir un soutien-gorge pour deux culottes achetées, c’est bien King Kong Théorie qui devrait être offert pour la Journée Internationale des Droits des Femmes. Notons une copieuse bibliographie finale.
 
A lire !